Le régime du "forfait-jours" qui régit l'organisation du temps de travail d'environ 1,6 million de salariés en France dont plus de 3000 employés HP n'est finalement pas remis en cause pour l'instant selon un arrêt très attendu de la Cour de cassation rendu le 29 juin.
- Pas de remise en cause du principe du forfait jour (mais avertissement solennel quant à son application : obligation de surveiller le niveau de charge de travail et l'amplitude de travail des cadres qui ne doivent pas avoir d'impact sur la santé des salariés).
- Pas de pointeuse imposée mais il faudra des garde-fous solides de contrôle du temps de travail dans les accords collectifs.
- Le paiement des heures sup des cadres forfait- jours ? En principe non car il faudra pour cela se lancer dans une action juridique avec tous les éléments à l'appui. Les jugements se feront au cas par cas.
A noter : la Cour n'a pas écrit noir sur blanc qu'elle limitait à 48 heures par semaine le temps de travail. C'est le point le plus flou de l'arrêt.
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15 commentaires à lire:
Certains parlaient de révolution, d'autres interprètent le jugement comme lourd de conséquences. Mais ça n'est pas l'écho médiatique (source AFP ou Reuters) qui ressort pour l'instant :
http://lexpansion.lexpress.fr/economie/pas-de-remise-en-cause-du-forfait-jour-pour-les-cadres_257985.html?xtor=EPR-175
http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/le-forfait-jours-des-cadres-n-est-pas-remis-en-cause-29-06-2011-1347311_240.php
http://www.capital.fr/carriere-management/actualites/la-cour-de-cassation-ne-remet-pas-en-cause-le-forfait-jour-des-cadres-609473
L'autre version qui circule est celle du Figaro.fr :
La Cour de cassation a validé, aujourd’hui, le système des forfaits-jours qui concerne environ 1,5 million de cadres. Mais, au nom de la protection de la santé et du droit au repos, la plus haute instance judiciaire française prévoit que toute entreprise appliquant le forfait-jour doit se baser sur un accord collectif (accord de branche ou d’entreprise) incluant impérativement des modalités effectives de contrôle et de suivi du temps de travail. Cela revient à dire que l’entreprise devra vérifier que ses salariés au forfait-jour ne dépassent pas les durées de repos quotidiennes et hebdomadaires fixées par le droit européen (11 h de repos consécutif quotidien et 48 h de travail maximum par semaine). Faute de les appliquer, les entreprises s’exposeront à être poursuivies devant les tribunaux et condamnées à payer des heures supplémentaires à leurs cadres.
Bref, on vous donnera l'avis des juristes CFTC dès qu'il nous parviendra... ;)
Oui il vaut mieux attendre pour voir si ce jugement peut avoir une conséquence sur notre convention collective et notre accord ARTT.
Le Figaro mentionne que les entreprises devront s’assurer du respect des durées de repos, ce qui est une manière indirecte de limiter les surcharges de travail (je note que la rédaction est d’ailleurs maladroite : « l’entreprise devra vérifier que ses salariés au forfait-jour ne dépassent pas les durées de repos quotidiennes et hebdomadaires fixées par le droit européen », ce qui ne manque pas de saveur…)
L’Expansion et les autres insistent plus sur la non-remise en cause du forfait jour.
Les 2 approches ne sont pas incompatibles. Tout dépend probablement des autres contentieux à venir…
Ça serait intéressant si l'évaluation des juristes pouvait tenir compte de cas de figure par rapport au jugement rendu étant donne que le sujet principal est le manquement de l'employeur.... Par exemple, que se passe-t-il si le repos prévu dans l'accord 35h (13h) n'est pas respecte mais pas entré dans t&l car c'est le délai légal (11h) qui y est pris en compte? (ou alors pas entre par simple craintes de represailles...) Que se passe-t-il si l'entretien annuel n'est pas fait par le manager? Que se passe-t-il si la charge de travail n'a pas ete un sujet de discusion lors de l'entretien annuel? Ces cas de figures peuvent ils être consideres comme manquements? Sur le dernier point je serais surpris si une seule personne chez hp a effectivement aborde le sujet de la charge de travail et de son organisation lors de l'entretien annuel...
"Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales du travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires."
Bref, ras, et surement pas un jugement "lourd de conséquences" comme l'ont annoncé à la hâte et sans aucun recul les adeptes de sensationnel.
Voici un premier avis juridique
En résumé, les juges admettent qu'un salarié sollicite un rappel d'heures supplémentaires au seul motif que l'employeur n'avait pas observé strictement les dispositions de la convention collective de branche (Métallurgie) sur les modalités de suivi du forfait jours.
La Cour invalide une convention de forfait-jours convenue avec un salarié au seul motif que l'employeur ne démontre pas qu'il a respecté les dispositions conventionnelles assurant au salarié son " droit au repos et à la santé " par le suivi de son activité.
La Cour de Cassation affirme ainsi que :
(i) Les règles européennes sur le temps de travail (Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Charte sociale européenne, Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, Directive 1993-104 du 23 novembre 1993 et Directive 2003-88 du 4 novembre 2003, Charte des droits fondamentaux de l'union européenne) peuvent être invoquées directement par les salariés ou leurs représentants à l'occasion d'un contentieux judiciaire, et donc par les cadres pour contester leur forfait-jours (ce qui n'allait pas de soi pour tous ces textes) ;
(ii) La Constitution française prévoit le droit des salariés à la santé et au repos, les juges insistant une fois encore sur l'obligation générale de sécurité incombant à l'employeur.
Ainsi, toutes les règles légales et tous les accords collectifs prévoyant des forfaits-jours doivent aussi se conformer à ces mêmes règles.
Si, dans cette décision, la Cour de Cassation considère que le forfait-jours conventionnel qui était en jeu (celui de la Métallurgie) est conforme aux règles précitées, les juges montrent une nouvelle fois l'attention particulière qu'ils prêtent à la santé des salariés.
En pratique et à l'avenir, cette décision va assurément générer des contentieux importants sur le forfait-jours, à l'initiative des salariés mais également des représentants du personnel, tout particulièrement lorsqu'un tel forfait découle d'un accord collectif qui n'est lui-même pas conforme aux règles susvisées.
A l'évidence, tous ces accords doivent être examinés afin d'assurer leur conformité avec les règles européennes (détermination d'une durée maximale de travail, effectivité des repos,...).
Cette décision laisse en suspens la conformité du principe même du forfait-jours tel que prévu par la loi. Selon le communiqué de presse de la Cour de Cassation publié ce jour et à l'occasion de cet arrêt, cela ne remettrait pas en cause cette conformité.
Si l'interprétation de cette décision oscille entre soulagement et inquiétude, il reste que cette décision constitue un coup de semonce contre le forfait-jours et les conséquences financières pour les sociétés ne sont pas neutres : rappel d'heures supplémentaires, dommages et intérêts, sanctions pénales éventuelles (travail dissimulé).
Selon le syndicat des avocats d'entreprise en droit social (Avosial) :
- Pas de remise en cause du principe du forfait jour
- Avertissement solennel quant à son application
(surveiller le niveau de charge de travail et l'amplitude de travail des cadres qui ne doivent pas avoir d'impact sur la santé des salariés)
- Pas de pointeuse imposée
- Besoin de garde-fous solides dans les accords collectifs
- La Cour n'a pas écrit qu'elle limitait à 48 heures par semaine le temps de travail.
Le paiement des heures sup des cadres forfait- jours ? En principe non car il faudra pour cela se lancer dans une action juridique avec tous les éléments à l'appui. Les jugements se feront au cas par cas.
La CFTC s'exprime sur ce jugement. Créée en 1974, l’UGICA (Union Générale des Ingénieurs, Cadres et Assimilés) rassemble les cadres des secteurs privé et public de la CFTC.
Si la Cour de cassation n’est pas allée jusqu’à juger non conforme le forfait jours, elle l’a tout de même sérieusement encadré (Cass. soc. du 29 juin 2011, n°1656). Ce régime, instauré par la loi du 19 janvier 2000, fonde la rémunération sur le nombre de jours travaillés dans l’année, selon un accord de branche, doublé le cas échéant d’un accord d’entreprise.
En l’espèce, le cadre reprochait à son ex-employeur de ne pas avoir contrôlé le nombre de jours qu’il avait travaillés et d’avoir insuffisamment suivi son organisation de travail, alors même que l’accord de sa branche, la métallurgie, stipulait que l’employeur devait établir un document de contrôle du temps de travail et des temps de repos. D’abord débouté aux prud’hommes et en appel, il a obtenu gain de cause auprès de la Cour de cassation.
“Ce manque de suivi invalide de facto sa convention de forfait jours ” explique Simon Denis, secrétaire national et juriste de l’Ugica-CFTC, qui considère ceci comme “un revirement majeur ”. Jusque-là, l’absence de suivi ne permettait de réclamer que des dommages et intérêts sans remettre en cause la validité même du forfait jours. De plus, la sécurité des forfaits jours issus d’accords postérieurs à la loi du 20 août 2008 (qui n’était pas en débat dans la décision du 29 juin, le recours du salarié étant antérieur) qui l’a fortement libéralisé, permettra à de nombreux cadres de remettre en cause la validité de leur forfait jours. En ce sens, la condamnation du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe en décembre 2010 qui a jugé “manifestement excessive” cette loi de 2008 est toujours d’actualité.
Ainsi, l’Ugica-CFTC ne rejoint pas le “ satisfécit ” quasi unanime qui fait suite à cette décision qui, loin de valider le système de forfait-jours, implique à la fois un réel suivi de la charge de travail du salarié par les employeurs et l’impérieuse nécessité pour les pouvoirs publics de prendre leur responsabilité en revenant sur la loi du 20 août 2008.
Dans le cas de l'accord 35 heures dans la métallurgie, qui a été posé en exemple par la Cour, ces mesures de garantie comprennent un suivi régulier de la charge de travail par le supérieur hiérarchique, un entretien annuel sur le sujet et l'établissement d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des jours travaillés.
Il faut donc vérifier la conformité des accords dans toutes les entreprises. Et surtout, s'assurer que les mécanismes prévus par les textes sont bien appliqués.
bjr, est ce que cette année avec des jours fériès tombant les week end nous allons encore recevoir une prime en Janvier ?
On a pas encore fait les calculs exacts du nombre de jours travaillés mais la période de référence est du 1er juin au 31 mai. Et donc hélas, a priori il ne vaut mieux pas compter sur une nouvelle prime exceptionnelle car le dépassement des 218 jours travaillés arrive rarement.
Suite 13, la CFTC a obtenu cette prime pour HPE sous forme de 2 jours payés + 10%, elle sera versée en mai 2016. Pour HPI, on s'oriente vers 2 jours de congés en plus
Question DP CFTC
Entretien sur la charge de travail (Obligation annuelle pour les salariés en forfait jours)
Un message a été envoyé le 19 novembre dernier par « hpfrance.hrcom » relatif au cycle de « FPR », notamment sur la fixation des objectifs annuels.
Ce message rappelait aux salariés en forfait jours de faire le point sur leur charge de travail, en mentionnant l’existence d’un formulaire.
Le formulaire évoqué est en fait un système informatique (« SharePoint ») permettant de collecter nominativement les réponses à des questions pré-formatées, ainsi que d’éditer des consolidations de ces réponses.
Plusieurs salariés se sont émus de cette collecte automatisée d’informations, surtout lorsque leurs managers leur demandaient de remplir ce formulaire comme préalable à l’entretien où la charge de travail devait être évoquée.
Ce même entretien relatif à la charge de travail était le sujet principal d’un message envoyé le 10 janvier 2014 par « Hpfrance Hrcom », accompagné de guides pratiques.
Alors que le message de 2014 demandait que soit reflétée seulement la tenue de l’entretien dans les outils RH (« Perform2win » à l’époque), il serait maintenant demandé d’enregistrer la réponse synthétique sur la charge de travail.
• Ce changement est-il légitime ?
Réponse : oui, il s’agit d’une amélioration de la formalisation de cet entretien.
• Les salariés peuvent-ils refuser de saisir les informations dans le système et favoriser plutôt la discussion avec leur manager sur ce sujet de la charge de travail ?
Réponse : la formalisation écrite ne se substitue pas à l’échange verbal, elle n’est qu’une transcription des échanges entre salarié et manager.
Le système est visiblement doté d’une capacité de restitution synthétique des réponses saisies.
• Quelle exploitation statistique est-il prévu de faire de toutes ces données ?
Réponse : il n’y a pas d’exploitation statistique.
• Quels sont les niveaux d’agrégation disponibles ?
Réponse : il n’y a pas d’agrégation disponible
• Ce système automatisé a-t-il fait l’objet d’une information dans une IRP ? Laquelle ou lesquelles ?
Réponse : ce système ne justifie pas une information/consultation des instances représentatives du personnel.
• Quelles sont les garanties fournies par HPE en termes de respect des règlementations européennes et françaises relatives à la collecte, au stockage et au traitement automatisé de données personnelles ?
Réponse : il n’y a pas de données individuelles automatisées additionnelles autres qu’actuellement collectées par les outils RH actuels. Le système actuel collecte et analyse des données explicitement nominatives et les stocke sur un serveur qui semble être localisé aux USA.
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